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C'est un sujet qui a empoisonné le biathlon français depuis deux ans : l'affaire Julia Simon. Pour faire bref, la décuple championne du monde a été condamnée pour escroquerie après avoir usé de la carte bancaire de Justine Braisaz-Bouchet et d'une membre du staff, niant pendant longtemps les faits avant d'avouer le jour du procès, avant le début de la présente saison.
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On rajoute à cela une autre affaire : Jeanne Richard aurait tenté de saboter la carabine de sa coéquipière Océane Michelon en fin de saison dernière. Ainsi, les Bleus ont abordé la saison dans un climat pesant. Mais jusqu'ici, l'équipe de France n'a pas payé un tribut trop élevé.
Ambiance en berne
Si on parle uniquement en termes de résultats, la saison dernière, au moment d'arriver au Grand-Bornand, la France avait remporté six des 16 courses au programme. Cette saison, on compte 5 victoires. 15 podiums en 2024, 12 en 2025. Dire que les résultats sont moins bons est quelque peu erroné.
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Pourtant, il y a cette impression. Le fait que les performances sont moins transcendantes. Le fait qu'on a l'impression qu'il manque quelque chose. Le ressort parait quelque peu cassé, et les dernières nouvelles en date ne vont pas calmer la situation. Notamment les déclarations de Lou Jeanmonnot la semaine dernière, au micro de La Chaîne L'Équipe.
"Je suis honnêtement déçue. C’est pas comme ça que j’aurais voulu vivre ma carrière d’athlète en équipe de France A. J’aurais aimé que ce soit comme quand j’étais cadette, que j’aille avec des copines à l’entraînement, et puis que je sois contente d’y aller. Malheureusement, c’est pas le cas. (...) Moi, là où je suis profondément déçue, c’est pour Justine, parce que je trouve qu’elle paye beaucoup trop cher quelque chose dont elle a été victime. La semaine dernière, elle a reçu des menaces de mort à l’encontre de sa fille, et honnêtement, ça me dégoûte, c’est pas normal que ça ait pris cette ampleur-là."
À ce moment-là, on franchit un cap. Principale victime de l'affaire Julia Simon, Justine Braisaz-Bouchet est celle qui a pourtant le plus "ramassé" dans l'histoire, comme elle l'a expliqué à L'Équipe.
"Jusqu’à maintenant, je gardais tout pour moi. Les insultes que je reçois depuis trois ans, je n’en parlais pas. Mais c’est vraiment ce message contre ma fille qui m’a fait un déclic."
Ainsi va le monde. Dix fois championne du monde, et lauréate du classement général en 2023, Julia Simon est infiniment plus populaire que toutes ses coéquipières. Et le ressenti général est que sa suspension pour la manche inaugurale de la saison à Ostersund était largement suffisante. De quoi compromettre l'ambiance, d'autant qu'un certain Quentin Fillon Maillet s'en est mêlé au micro d'Eurosport.
"Le groupe des filles a toujours été plus compliqué à gérer que le groupe des garçons… Depuis que je suis arrivé dans l’équipe, le groupe des filles, c’était toujours un peu fragile."
Avec une telle ambiance, on se demande comment l'équipe tient debout.
Des victoires partout
Pourtant, le réservoir est toujours aussi profond. Il manque donc une victoire et trois podiums par rapport à l'an dernier à la même époque. Mais il manquait donc Julia Simon pour une des deux manches. Ceci peut expliquer cela. Et à l'instant T, on compte deux hommes (Éric Perrot et Quentin Fillon Maillet) et deux femmes (Lou Jeanmonnot et Camille Bened) dans les top 5 du classement général de la Coupe du monde.
Et concernant le fameux réservoir… il suffit de se pencher sur l'antichambre de la Coupe du monde, l'IBU Cup. La manche italienne de la semaine dernière a été un triomphe. Les Bleus ont remporté cinq des six courses au programme, et ont réalisé une performance inédite avec un triplé sur le sprint ET la poursuite, chez les hommes ET chez les femmes (avec même un quadruplé sur le sprint hommes ET sur la poursuite femmes). Et une Paula Botet qui a de plus réalisé le triplé individuel - sprint - poursuite, ce qui lui vaut de réintégrer l'équipe de France pour la Coupe du monde à domicile.
Pourquoi parler de l'IBU Cup ? Chez les femmes, trois des quatre dernières lauréates du classement général sont Françaises : Lou Jeanmonnot (2022), Océane Michelon (2024) et Camille Bened (2025). Trois biathlètes qui sont aujourd'hui des fers de lance de la discipline, en particulier la première qui, trois ans après son sacre, est passée à un cheveu de rafler le globe de cristal du classement général de la Coupe du monde la saison passée. Une pépinière de talents donc, ce qui est cependant moins vrai chez les hommes.
Et chez les jeunes… La Junior Cup a repris la semaine passée. Six courses, quatre victoires, 11 podiums, un doublé pour Lou-Anne Dupont Ballet Baz, future star de la discipline. À tous les niveaux, la France du biathlon est euphorique.
La pression olympique
La France reste la France. Tant qu'on gagne, on peut se permettre d'accumuler la poussière sous le tapis. Il n'y a rien de mieux que des Bleus qui lèvent les bras, pour la notoriété, pour les audiences, pour le public. Et ce serait encore mieux si cela arrivait à domicile cette semaine.
Mais cette saison, et même dans moins de deux mois, on retrouvera le juge de paix ultime : les Jeux Olympiques. Si l'affaire est d'importance, on n'imagine pas à quel point. En effet, lors de la dernière édition, l'équipe de France avait raflé trois titres (deux pour Quentin Fillon Maillet et une pour Justine Braisaz-Bouchet), et quatre médailles d'argent.
Depuis, le biathlon français est devenu bien plus puissant. Sa densité, ses nombreuses victoires en Coupe du monde, ses 14 titres et 30 médailles au total lors des trois dernières éditions des Championnats du monde, les victoires en IBU susmentionnées : faire moins bien à Milan-Cortina ne sera aucunement toléré.
Ce qui explique sans doute la suspension bien faible dont a écopé Julia Simon : la mettre sur le banc plus d'une manche, c'était compromettre ses chances de revenir en forme pour les Jeux Olympiques. Or, si Julia Simon n'a jamais été titrée aux JO, c'est elle qui possède le plus beau palmarès actuel du biathlon français avec sa victoire au classement général de la Coupe du monde et ses dix titres mondiaux. Impossible de ne pas emmener un tel CV aux Jeux.
De plus, son retour à la compétition n'a pas été concluant, avec une 19ᵉ place sur le sprint pour meilleure performance. Visiblement, elle est le poison et le remède. Mais cela est trop léger comme stratégie pour une des nations majeures du biathlon au XXIᵉ siècle. En attendant, le succès populaire sera sans nul doute au rendez-vous au Grand-Bornand. Mais attention si les performances ne suivent pas : malgré son talent, le biathlon français pourrait bien connaître sa première crise depuis qu'il est sur le devant de la scène…
