Interview Flashscore - Reda Kham : "Victor Yoka l'a dit : il veut boxer et moi aussi. Il n'y a plus qu'à !"

Reda Kham
Reda Kham PHILIPPE MAGONI / Sipa Press / Profimedia

Cinq fois champion de France des super-welters et actuel champion EBU Silver, Reda Kham est arrivé tard à la boxe mais, à 32 ans, il fait partie des meilleurs tricolores dans une catégorie très relevée. Après sa journée de travail, le Vauclusien a évoqué sa passion du free fight, son parcours et sa rivalité avec Victor Yoka qu'il veut affronter en 2026.

Flashscore : Vous avez 32 ans et 19 combats professionnels mais vous avez débuté relativement tard. 

Reda Kham : J'ai commencé la boxe à 20 ans. J'y suis venu car c'est un sport qui m'a toujours plu, même si je regardais l'UFC avec mes copains du collège et on essayait de les imiter après les cours. C'était l'époque des Fedor Emelianenko, Mirko "Cro Cop" Filipovic, Alistair Overeem. On était fans de free fight et ça m'a toujours attiré, ce côté gladiateur. Je voulais me sentir fort et confiant parce que j'étais un peu introverti. 

Pourquoi avoir choisi la boxe anglaise plutôt que le MMA ?

C'est vrai que j'aimais bien les mouvements de jambes et les soumissions (rires). Mais à Pertuis, il y avait très peu d'infrastructures. J'ai fait quelques mois du pieds-poings dans un club mais après l'été, j'ai demandé s'il y avait de la compétition. Comme il n'y en avait pas, j'ai changé de club. Il y avait de l'anglaise, je suis resté sur cette discipline. Au début, on ne m'a pas pris au sérieux parce qu'avec le recul, j'ai appris que beaucoup de monde parle de faire de la compétition sans franchir le cap. Moi j'étais vraiment sérieux, je savais ce que je voulais. Six mois après, j'ai disputé mon premier combat amateur, avec une défaite très, très controversée. 

Vous êtes passé pro aux alentours des 24 ans. C'est assez tardif. 

J'ai fait 4 ans de boxe amateur. J'ai atteint les demi-finales régionales. J'ai disputé 34 combats, donc quasiment 9 par an. J'ai voulu passer pro pour voir autre chose. En amateur, ce n'est pas la même physionomie que chez les pros. Ça va vite, c'est intensif, avec un gros débit de coups. En pro, c'est plus long, les gants sont plus petits, il faut être précis, impactant et stratégique. C'est comme si on comparait le futsal et le foot à 11. 

Vous avez enregistré votre seule défaite lors de votre deuxième combat. C'est assez rare pour un boxeur qui a ensuite remporté des titres. 

C'était un mauvais choix. On m'a proposé ce combat en plein ramadan, pendant la troisième semaine, avec seulement 6 jours de préparation. C'était à l'extérieur mais c'était serré. J'ai proposé une revanche à maintes reprises, avec un grand laps de temps pour se préparer, mais ça ne s'est jamais fait (sourire). Sur ce combat, j'étais jeune, je pensais que j'étais bien mais je suis arrivé sans forces. J'avais une méconnaissance de la nutrition et je faisais n'importe quoi. Lors d'un combat en élite amateur, je suis parti grignoter avec des collègues. Au lieu de prendre des sandwiches comme eux, je prends une pizza aux fruits de mer. Trois heures après, j'ai pris un coup dans le ventre. J'ai gagné mais plus jamais (rires). En fait, je faisais le poids sans même m'en rendre compte, au point que je n'avais même pas de balance chez moi, et j'arrivais à la pesée avec un kilo de moins que la limite. Maintenant, j'ai une nutritionniste qui me suit et m'oriente sur mon alimentation, notamment si j'ai des tendinites. 

Pierre Rosadini nous a raconté la difficulté de monter une carrière quand on connaît mal le microcosme.

Ah Pierre, c'est le frérot ! C'est un boxeur intelligent, je tourne souvent avec lui. Sur son premier championnat de France, il affronte Mustapha Zaouche. C'est une revanche car il avait perdu le premier combat un an auparavant. Tout le monde le voyait prendre une rouste et finalement, c'est lui qui a donné la leçon. C'était magnifique. Son dernier combat en novembre en Angleterre résume la précarité de la boxe : il est prévenu une semaine avant mais il a donné du fil à retordre à Niall Brown. Avec un peu plus de préparation, il aurait pu gagner. Malheureusement, sur 500 boxeurs pros en France, à peine une dizaine peut en vivre. 

>>> L'interview de Pierre Rosadini est à retrouver ici

Vous travaillez à côté de la boxe ?

Je suis éducateur prévention. J'accompagne des jeunes entre 11 et 21 ans en décrochage scolaire, avec des ennuis judiciaires. On a un mandat territorial avec l'aide de protection à l'enfance. Je m'y retrouve parce que ça me plaît même si ça ne paye pas comme ça le mériterait (rires). Avant ça, j'étais chaudronnier, je travaillais dans la ferronerie, donc un travail physique par excellence. J'ai suivi une reconversion, j'ai passé des diplômes dans le sport. J'ai travaillé dans un Institut Médical Éducatif (IME) et un institut thérapeutique, éducatif et pédagogique (ITEP). C'est un travail qui me parle, dans les quartiers prioritaires à la politique de la ville (QPRV). Je me projète sur certains d'entre eux pour essayer d'en sortir le meilleur de chacun. On voit des jeunes qui sont intelligents mais qui n'utilisent pas cette intelligence à bon escient.

Le narcotrafic étend ses branches de plus en plus loin des grandes villes.

Avant, les risques n'étaient que sur le terrain. Maintenant, ça se passe sur leurs téléphones, directement via les réseaux sociaux. C'est compliqué, mais on essaie de faire de la prévention, de les avertir des risques. Certains ont l'intelligence de se remettre en question et de rectifier le tir. Mais pour d'autres, ils se casseront les dents pour comprendre que ce n'est pas un monde pour eux. 

Revenons à la boxe. Vous avez été cinq fois champion de France des super-welters avant de devenir champion EBU Silver. 

Oui, j'ai laissé ma ceinture nationale vacante pour disputer l'EBU Silver et j'ai bien fait car j'ai gagné. Au début, mon objectif au moment de passer pro était de remporter le titre de champion de France. Je suis d'une petite ville et vu les conditions que j'avais, je savais que ce serait compliqué de faire mieux. Après ma deuxième défense, je me suis dit que je pouvais aller voir au-dessus. Je suis très fier de ce que j'ai accompli. J'ai eu des périodes avec des galères, des forfaits. Ça a été dur moralement. Ça n'a pas été une mince affaire mais j'y suis arrivé (sourire).

C'est plus simple de se vendre quand on n'est pas de Paris ou de banlieue parisienne ?

La boxe draine énormément de monde, surtout dans la capitale. On ne peut pas rivaliser avec cet environnement-là. Rohff, Booba, Gazo aiment la boxe, sans parler des influenceurs qui traînent dans les salles. Quand ils se prennent de sympathie, ils font profiter de leur visibilité. Et ça, ça permet de toucher des sponsors plus facilement. 

Vous avez battu le Belge Arthur Massenaux pour l'EBU Silver. Il avait de belles références.

Au début, je devais affronter Jan Helin qui était double champion en titre. On a remporté l'enchère, il a commencé à bégayer et un mois avant, il nous a mis une carotte. C'est pour ça qu'on a proposé à Massenaux qui sortait d'un combat mais qui était toujours dans le jus et en forme. Lui a accepté le défi. 

Helin vient de disputer l'EBU contre Milan Prat et il a été mis KO au 9e round.

Milan Prat a deux bombes dans les mains (rires). J'aimerais bien faire un combat contre lui, on le lui a proposé. Son équipe m'avait contacté à deux reprises mais à chaque fois, j'étais au Maroc mais c'était surtout 5 jours avant le combat. J'ai même pas cherché à savoir le montant de la bourse (rires). Si je boxe Milan Prat, c'est pour gagner sinon ça ne m'intéresse pas. Il me faut un délai raisonnable pour me préparer. 

Vous êtes aussi un sparring très recherché, vous apparaissez souvent dans les stories sur les réseaux sociaux.

J'ai un style assez atypique et je suis très bien tactiquement je pense. La tactique, c'est important. J'ai encore le nez assez droit, je n'ai pas envie qu'il fasse une virgule (rires). Je compare la boxe à l'escrime : toucher sans se faire toucher. Je veux gagner, proprement, sans prendre de coups et rentrer chez moi frais. 

On s'attendrait à autre chose car votre surnom est La Brute !

C'est vrai mais ça me vient de mes parents et de mon oncle car j'étais impatient, brusque. Je n'étais pas dans la finesse (rires). 

À propos des sparrings, Emilie Sovinco nous a expliqué qu'elle n'aimait pas les mises de gants car elle perdait en agressivité. Quel est votre rythme ?

Quand j'étais dans une salle à Marseille, je mettais beaucoup les gants et c'était trop. Maintenant, avec l'expérience, je m'entretiens toujours mais je ne fais des sparrings qu'en période de préparation. Pas de combat, pas de sparring. Avec tout le recul qu'on a désormais, avec des études et des démonstrations technologiques, il faut limiter les impacts au cerveau. La boxe en compétition est éphémère et il y a une vie à côté. Il faut savoir prendre soin de soi. Tout évolue et les méthodologies ne sont plus les mêmes. 

>>> L'interview d'Emilie Sovinco est à retrouver ici

Vous avez parlé de Milan Prat mais un autre boxeur voudrait vous affronter : Victor Yoka

Victor Yoka parle beaucoup dans le vent. D'ailleurs, son manager avait remporté une enchère pour affronter Yamin Bartolo, un très bon boxeur (9-0-0), pour le titre de champion de France. Mais un mois avant le combat, il lâche la ceinture pour se retrouver face à Benoît Demik, un boxeur plus léger (11-7-0), qu'il a affronté lors de la soirée de Bakary Samaké en octobre. Il a choisi la facilité. Vous pouvez l'écrire (rires). Il brasse beaucoup d'air, il dit qu'il veut m'affronter, il m'a envoyé un message parce qu'il stalke mes stories comme mon ex. C'est mon challenger pour l'EBU Silver, il dit qu'il veut faire le combat. C'est quand il veut. On lui a dit qu'on veut le faire chez lui et je l'ai répété : on n'est pas compliqué, il choisit la date qui lui plaît. Et on règlera ça dans le ring. 

Vous auriez déjà pu l'affronter ? 

On lui avait proposé de boxer via un organisateur marseillais qui voulait me trouver un adversaire de gros calibre. Il a appelé 5 boxeurs très bien classés, dont Victor. Au téléphone, son père lui a demandé une bourse astronomique, au point qu'il lui a répondu qu'il demandait Victor, pas Tony (rires). Soit tu acceptes, soit tu fais en sorte de demander une bourse haute, comme ça tu peux rejeter la faute sur l'organisateur. 

>>> L'interview de Victor Yoka est à retrouver ici

Vous souhaitez que ce soit votre premier combat de 2026 ?

Je dirais mi-2026, à moins que Victor ne se réveille avant. J'aimerais bien. Il l'a dit : il veut boxer et moi aussi. Il n'y a plus qu'à. Moi, en début d'année, ça m'irait. Je n'ai boxé qu'une seule fois en 2025, deux en 2024. Le manque d'activité est compliqué moralement. Je voudrais trois bons combats par an dans l'idéal. Les hostilités sont parties de lui, il faut le savoir. Il a commenté pendant un live en disant que mon combat était ennuyant. Ensuite, après être arrivé dans le ring avec une couronne, il a demandé si j'avais gagné la fève (rires). C'était marrant, j'avoue ! Je suis très taquin également et si tu commences à me chauffer, je rigole aussi mais il a beaucoup moins aimé mes petites blagues !