Le parcours incroyable de la Côte d’Ivoire lors de la Coupe d’Afrique des nations 2023

L’attaquant ivoirien Max Gradel (à droite) et l’ailier Simon Adingra embrassent le trophée de la Coupe d’Afrique des nations.
L’attaquant ivoirien Max Gradel (à droite) et l’ailier Simon Adingra embrassent le trophée de la Coupe d’Afrique des nations.FRANCK FIFE/AFP

La Côte d’Ivoire peut être vue comme l’un des vainqueurs les plus chanceux d’un grand titre continental, ou bien comme une équipe à la résilience et à la force mentale admirables, qui a connu une chute brutale avant de se relever dans des circonstances tout à fait extraordinaires.

Mais quel que soit le qualificatif, s’il y a bien un pays hôte qui a connu un chemin semé d’embûches vers la gloire, c’est bien les Éléphants lors de la dernière édition de la Coupe d’Afrique des Nations, eux qui sont revenus d’une élimination quasi certaine pour devenir la première équipe à domicile à soulever le trophée depuis l’Égypte en 2006.

Ils ont peiné lors de la phase de groupes de leur propre tournoi, se qualifiant de justesse comme dernier des quatre meilleurs troisièmes avec seulement trois points, avant d’enchaîner les miracles : ils ont mis fin au règne du Sénégal, renversé leurs voisins du Mali malgré une infériorité numérique, puis décroché le titre sur un scénario digne d’un conte de fées, avec Sebastien Haller qui a inscrit le but de la victoire, dix-huit mois après avoir été diagnostiqué d’un cancer.

Leur salut est venu de la victoire du Maroc face à la Zambie lors du dernier match de groupe, ce qui leur a permis de se qualifier parmi les meilleurs troisièmes. Sans ce succès marocain, les Ivoiriens auraient été éliminés après un début catastrophique.

À domicile, ils partaient avec la faveur des pronostics, même s’ils n’étaient plus considérés comme un poids lourd du continent depuis leur dernier sacre en 2015.

Mais ils ont souffert sous la pression lors du match d’ouverture, une victoire peu convaincante 2-0 contre la Guinée-Bissau, avant d’être dominés par le Nigeria puis de subir une humiliation 4-0 face à la modeste Guinée équatoriale dans un match où tout a tourné contre eux. Cela rappelait l’effondrement incompréhensible du Brésil face à l’Allemagne en demi-finale de la Coupe du monde 2014.

L’humiliation infligée par la Guinée équatoriale aux hôtes lors du dernier match de groupe restera, sans conteste, comme la plus grande surprise de l’histoire du tournoi.

Jamais un pays organisateur n’avait été autant rabaissé, et encore moins de façon aussi cinglante. La stupéfaction du public s’est transformée en colère, les joueurs de la Côte d’Ivoire devant être escortés hors du terrain par la police sous les huées des spectateurs restés dans le stade.

Joueurs ivoiriens abattus après leur défaite 4-0 contre la Guinée équatoriale
Joueurs ivoiriens abattus après leur défaite 4-0 contre la Guinée équatorialeISSOUF SANOGO / AFP

Renversement incroyable

Le retournement de situation a été saisissant en seulement huit jours, après un début prometteur des hôtes lorsque Seko Fofana avait ouvert le score dès la quatrième minute du match d’ouverture contre la Guinée-Bissau.

Les Ivoiriens ont ensuite dû patienter trois jours pour savoir s’ils restaient en lice dans leur propre tournoi, qui a coûté environ un milliard de dollars à l’État.

Alors que les autres groupes se terminaient, les dirigeants ivoiriens ont remercié leur sélectionneur français, Jean-Louis Gasset. La décision venait du gouvernement, même si Gasset a affirmé avoir démissionné de lui-même.

Hervé Renard, qui avait mené les Ivoiriens à leur précédent sacre, a été approché en urgence, mais la Fédération française de football a refusé de le libérer.

C’est donc l’adjoint de Gasset, Emerse Fae, qui a pris les rênes, nommé le jour de ses 40 ans. Il avait joué au milieu lors de la finale perdue en 2006 au Caire, mais son expérience d’entraîneur se limitait jusque-là aux équipes de jeunes de Nice et du Clermont Foot.

Il a fait appel à son ancien coéquipier Guy Demel, ex-défenseur de West Ham devenu consultant pour Canal+ sur la compétition, et ensemble ils ont opéré des choix forts pour leur premier match.

Emerse Fae propulsé sur le banc ivoirien
Emerse Fae propulsé sur le banc ivoirienISSOUF SANOGO / AFP

Changer l’équipe

Gasset alignait systématiquement le trio du milieu Seko Fofana, Franck Kessie et Ibrahim Sangare, mais Fae a titularisé Jean-Michael Seri de Hull City devant la défense, reléguant Kessie sur le banc face au Sénégal.

Mais ils ont encaissé un but dès la quatrième minute et étaient virtuellement éliminés, jusqu’à ce que le gardien sénégalais Edouard Mendy concède un penalty en fin de match, transformé par Kessie, entré en jeu. Les Ivoiriens ont ensuite tenu bon pour s’imposer lors de la séance de tirs au but.

En quart de finale contre le Mali, Kessie a retrouvé sa place, mais Sangare a été écarté. Le défenseur central Odilon Koussounou, fébrile, a concédé un penalty arrêté par Yahia Fofana, puis a été expulsé pour un second avertissement avant la pause.

Réduits à dix, les Ivoiriens ont ensuite encaissé un but à la 71ᵉ minute et semblaient se diriger vers la sortie face à leur voisin du nord. Mais leur détermination a été remarquable, continuant d’attaquer malgré l’infériorité numérique pour tenter de s’en sortir.

Le salut est venu de Simon Adingra à la 90ᵉ minute, qui a pénétré dans la surface avant de servir Seko Fofana, dont la frappe a été repoussée, mais Adingra a suivi pour égaliser.

Comme Adingra, Haller est entré en jeu après avoir manqué le début du tournoi sur blessure, et a trouvé la barre transversale en prolongation. Mais la victoire n’a été acquise qu’au bout du suspense, lorsque le Mali a repoussé un coup de pied arrêté sur Seko Fofana, dont la frappe a été déviée volontairement par Oumar Diakite pour un succès inespéré.

La remontée était totale avant la demi-finale contre la République démocratique du Congo, même si le but de la victoire signé Haller a bénéficié d’un peu de réussite, mal frappé mais suffisamment appuyé pour rebondir devant le gardien et finir au fond des filets.

Sebastien Haller a inscrit le but de la victoire en demi-finale contre la RD Congo
Sebastien Haller a inscrit le but de la victoire en demi-finale contre la RD CongoSIA KAMBOU / AFP

Joie en finale

En finale, les Ivoiriens ont dominé le début de match mais ont laissé le Nigeria revenir après la pause fraîcheur. Chaque match du tournoi comportait deux arrêts pour l’hydratation, quelle que soit l’heure, tant la chaleur et l’humidité étaient extrêmes.

Ces pauses, aux 30ᵉ et 70ᵉ minutes, avaient souvent pour effet de changer le rythme du match, ou de voir une équipe perdre soudainement son élan et l’équilibre de la rencontre basculer.

Le Nigeria menait à la pause, mais la tendance s’est inversée avec l’égalisation de Kessie, puis Haller a inscrit le but de la victoire pour conclure un mois riche en rebondissements et en émotions.

« Quand je repense à tout ce que nous avons traversé, aux moments difficiles où nous avons failli perdre, et aux matchs où nous sommes revenus dans les dernières minutes, nous avons accompli de véritables miracles. Mais c’est aussi parce que nous n’avons jamais cessé de nous battre jusqu’au bout, même quand tout semblait perdu », a confié Fae, sacré à la CAN après seulement quatre matchs comme entraîneur principal, un exploit presque irréel.

« Nous ressentons d’abord un immense soulagement après toutes ces épreuves. Nous étions proches de l’humiliation, mais quand une seconde chance s’est présentée, nous étions déterminés à ne pas la laisser passer », a-t-il ajouté.

Statistiques de la finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2023
Statistiques de la finale de la Coupe d’Afrique des Nations 2023Flashscore

La Côte d’Ivoire entame la défense de son titre mercredi face au Mozambique dans le cadre de la 1ʳᵉ journée du groupe F à Marrakech. Les Éléphants affronteront également le Cameroun et le Gabon dans une poule qui s’annonce très disputée.